Introduction
Pourquoi lisez-vous ce livre ?
Pour quelles raisons avez-vous les yeux posés sur ces mots ?
Un ou une amie vous en a parlé ? Vous avez vu une publication sur les réseaux sociaux ? Entendu ou vu une interview ? Assisté à une conférence ? Vous avez été interpellé par le titre ? Accroché par le sous-titre ?
D'autres ont vu et entendu la même chose que vous et ne lisent pas ces lignes. Alors pour quelles raisons, vous, les lisez-vous ? Qu'est ce qui vous singularise et vous fait faire ce que vous faites là maintenant ?
D'une façon générale, pourquoi faisons nous ce que nous faisons ? Réellement ?
C'est une des questions à laquelle nous allons, dans ce livre, tenter d'apporter des éléments de réponse. Je vais pour ma part, en guise d'introduction, essayer de vous donner les raisons pour lesquelles je l'ai écrit, de vous raconter ce qui a fait que ce livre existe.
Pourquoi ai-je écrit ce livre ?
Pour répondre à cette question, je dois vous raconter un peu de mon histoire.
Mon expérience de lâcher-prise
En 2012, j'ai vécu une expérience extraordinaire qui a bouleversé le cours de ma vie. J'ai vécu une expérience que je qualifie de lâcher prise total. J'ai lâché prise sur toutes mes croyances et la façon dont je me représentais et donnais du sens au monde et à moi-même. J'ai lâché prise sur la conception que j'avais du monde - son existence, son origine, son histoire, son fonctionnement, ... - et sur la conception que j'avais de moi-même - mon identité, mon rôle, ma raison d'être, ma mission, ma place dans le monde, ... . J'ai lâché prise sur toutes les réponses que j'avais construites, qu'on m'avait inculquées, ou dont j'ai hérité.
Que m'est-il arrivé concrètement ? Dans les semaines qui ont précédé ce jour de décembre 2012, j'ai vécu une succession de coïncidences, de synchronicités spectaculaires qui ont, les unes derrière les autres, ébranlé l'architecture rationnelle de ma pensée, déstabilisé le château de cartes de mes certitudes jusqu'à le faire s'écrouler totalement, jusqu'à accueillir et reconnaître le fait que je ne savais rien.
C'est à ce moment-là qu'il s'est passé quelque chose d'extraordinaire. Au moment où je lâche prise sur mes certitudes, que je reconnais pleinement mon ignorance, c'est alors que j'ai l'étrange sensation de tout savoir. Au moment où je réalise que mes connaissances sont dérisoires et fragiles, j'ai l'impression d'accéder à une connaissance universelle qui donne des réponses avant même que des questions soient formulées.
Au moment où je lâche prise sur l'idée que je me faisais de l'amour et de la conscience, je ressens une fabuleuse sensation d'amour universel, j'ai l'incroyable impression que j'ai, et même que je suis, une conscience universelle.
En lâchant prise sur tout, et donc en quelque sorte en plongeant dans le néant et en devenant rien, j'ai paradoxalement la sensation de devenir le TOUT.
Tout cela dans la certitude d'être en absolue sécurité, avec une sensation de totale sérénité, contactant une forme de paix universelle.
Je réalise alors qu'il y a dans le fait d'exister, de vivre, d'être vivant, quelque chose d'essentiel, essentiel dans le sens philosophique du terme c'est à dire qui relève de l'essence des choses, de leur nature profonde. L'expérience que j'ai faite m'a permis de contacter à la fois le caractère universelle de l'essence du monde et de la vie d'une part, et aussi son caractère singulier, ce que je suis en tant qu'être humain d'autre part.
Je suis, vous êtes, nous sommes des singularités universelles. Nous sommes chacun d'entre nous des manifestations singulières de l'univers tout en étant l'univers lui-même. En fait, il n'y a fondamentalement pas de séparation, tout est lié, tout et tous faisons partie d'un TOUT.
Cette expérience a bouleversé toutes les représentations que je me faisais du monde et de moi-même, et par conséquent, ma façon d'appréhender et d'interagir avec mon environnement, les autres, et aussi moi-même. Cela a fortement impacté ma pratique professionnelle de coach, avec des résultats spectaculaires. Quelques années plus tard, j'ai eu besoin de partager ce que je considère avoir reçu comme cadeau, chose que j'ai faite en écrivant mon premier livre, Lâcher prise, comment se reconnecter à soi-même.
Dans cette première publication, j'invite et j'accompagne le lecteur à prendre la mesure de ce qu'il vit pour se reconnecter à l'essence de ce qu'il est. La question "Qui suis-je ?" est bien sûr au cœur de l'ouvrage qui donne des clés pour y répondre sur la base d'éléments de réalité vécus. Se baser sur le réel est essentiel dans cette démarche.
Il a été fait dans le premier livre plusieurs fois mention de lâcher prise sur les illusions de soi-même pour se reconnecter à l'essence de son être. Dans ce deuxième livre, le focus sera mis sur les mécanismes qui nous font nous illusionner sur les choses, le monde et nous-mêmes.
Enfermé pendant 23 ans
Mon expérience de lâcher prise totale est d'autant plus spectaculaire que j'ai vécu pendant de nombreuses années dans une illusion totale, complètement englué dans un paradigme, une croyance tellement forte que j'étais aveugle et sourd à tout ce qui pouvait la remettre en question.J'ai passé plus de 20 ans à prendre des vessies pour des lanternes et à conditionner toute ma vie autour de cela : mes choix de lecture, d'activités sociales, d'orientation professionnelle, des personnes que je fréquentais. J'ai passé 23 ans dans une secte qui a fortement impacté ma famille, à commencer par mon père qui a participé à son émergence en finançant la publication de la première édition de son livre fondateur : "Le livre qui dit la vérité". Quel titre accrocheur pour le chercheur de vérité et quelle ironie quand finalement le voile de l'illusion se lève et met à jour un tissu de mensonges. Il me l'a offert pour mon 18ème anniversaire, tout comme il l'avait fait pour mes deux frères aînés quelques années auparavant. A 18 ans, j'en lus le premier paragraphe de la première page, puis je le referma, à la fois par manque d'intérêt, mais aussi par le peu de crédit que j'accordais à mon père schizophrène.
Un père schizophrène
Mon père a fait sa première crise à l'âge de 27 ans quand il fut exclu du petit séminaire de Rome où il avait passé 4 ans à étudier la théologie. Il se destinait à la prêtrise, ayant choisi de dédier sa vie à son idéal parmi ses idéaux, Jésus Christ. Né en 1930, il a connu les stigmates de la première guerre mondiale à travers ses grands-parents, parents, oncles, tantes et a vécu la deuxième en pleine adolescence. Il a fait de la paix une priorité de son existence et pris Jésus Christ comme modèle. S'il avait grandi en Thaïlande, il aurait probablement choisi Bouddha, en Inde Vishnou et Irène s'il avait vécu dans la Grèce Antique. Élevé dans une famille catholique française, c'est Jésus qui devint l'exemple qu'il a essayé tant bien que mal de suivre toute sa vie. Alors quand il apprend qu'il ne pourra pas faire coïncider son rêve avec la réalité, tout s'effondre, il pète les plombs et se retrouve à l'hôpital psychiatrique.Il a fait d'autres crises majeures plus tard, dont une deux mois après son mariage avec ma mère et une autre en 1974. Avec le recul et ayant connaissance de la façon dont les tractations se sont déroulées, je soupçonne que le fondateur de la secte a profité de son état de faiblesse pour lui soutirer l'argent qui lui a permis d'imprimer à compte d'auteur son premier livre.
Croire à l'incroyable
A 18 ans donc, il m'offre ce fameux livre que je ne lis qu'à l'âge de 23 ans quand j'apprends qu'un de mes frères commençait à prendre des responsabilités importantes au sein de l'organisation. Je reprends alors la lecture avec l'intention de trouver des failles afin de ramener mes frères à la raison, de les sortir de là, de les sauver de la secte. Non seulement je ne détecte pas de failles, mais en plus, je suis séduit par les liens faits entre science, religions et spiritualité. Avec le recul, je ne détecte pas de failles non pas parce qu'il n'y en avait pas, mais parce que assez rapidement, je me mets à avoir envie d'y croire.Par la suite, mon raisonnement fut le suivant : si je ne trouve pas de faille, alors ce n'est peut-être pas faux. Si ce n'est pas faux, alors c'est peut-être vrai. Et si c'est vrai, alors c'est absolument extraordinaire et je veux contribuer, faire partie de cette aventure qui consiste à pas moins que ... sauver le monde. Mon état d'esprit bascule alors de chercheur de faille à celui de trouveur de validation. Le biais de confirmation s'est alors activé à plein régime et, fort de ma formation scientifique d'ingénieur et de mon esprit logique et rationnel, me voilà persuadé de détenir LA vérité sur le monde, son origine, sa raison d'être.
Berné par l'illusion de pseudosciences, mais surtout par l'envie de croire en des choses qui me rassuraient sur l'état de santé mentale de mon père d'une part, et qui me permettaient de renouer des liens avec mes frères d'autres part, je me suis forgé de fortes convictions à partir d'erreurs grossières, d'impostures et de mensonges. On ne voit pas le monde tel qu'il est, on le voit tel que nous sommes. Et j'ai clairement, à ce moment, vu le monde et ce livre en particulier, non pas tel qu'il l'était, mais, pour des raisons émotionnelles et affectives, comme cela m'arrangeait de le voir.
Et ça a marché ! J'ai retrouvé mes frères et je me suis rapproché de mon père. En plus de cela, j'ai par la suite eu l'impression de trouver une "vraie" famille de "coeur", une communauté de croyants dans laquelle chacun se considère comme le frère ou la soeur des autres adeptes. Par ailleurs, cette façon de me raconter l'histoire de l'humanité me permettait de donner du sens à ma vie, me donnait l'impression de me développer et de m'épanouir, d'avoir et d'être à ma place, de m'investir dans quelque chose qui en vaut la peine, de me sentir utile, d'être reconnu et valorisé. Dans cette bulle fictive, tout va bien, aucune raison de vouloir en sortir.
L'illusion de liberté
D'autant plus que j'avais également la forte impression de me sentir libre, rêvant même parfois d'écrire un livre sur la liberté. Quel paradoxe ! Je me targuais d'être un libre penseur alors que j'étais en réalité totalement enfermé dans le monde fictif de mes représentations paradigmatiques, aveugle et sourd à ce qui aurait pu semer le doute et ébranler le château de cartes de mes certitudes.Le livre que j'écrirais aujourd'hui sur le thème de la liberté serait très différent de celui que j'aurais écrit à l'époque. La liberté serait-elle une illusion ? Le libre-arbitre existe-t-il vraiment ? Il y a aujourd'hui débat sur cette question qui ne date pas d'hier, ni même d'avant-hier. Spinoza écrivait déjà au 17ème siècle "Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés". Autrement dit, on se croit libre parce que nous sommes conscient de nos désirs et des actions qui en découlent, mais ignorant de ce qui est sous-jacent à nos désirs, ignorant de ce qui, en soi, nous fait désirer telle chose plutôt que telle autre.
A-t-on choisi de préférer les blond(e)s plutôt que les brun(e)s ? Les petit(e)s plutôt que les grand(e)s ? Les maigres plutôt que les potelé(e)s ? Les critères de beauté diffèrent selon les cultures et les époques. Que ce soit la corpulence, la couleur de la peau ou celle des cheveux, nos goûts, et donc nos désirs, sont conditionnés par notre environnement social et culturel.
En tout cas, si libre nous sommes, ce dont dans une certaine mesure je suis convaincu, nous le sommes selon et dans le cadre de nos systèmes de croyances, de la façon dont nous nous représentons les choses, ... et enfermé quand nos croyances se transforment en paradigmes, qu'elles se radicalisent et se figent devenant ainsi des prisons mentales. Il est d'autant plus difficile d'en sortir que nous ré-agençons notre réalité pour sauvegarder l'illusion à laquelle nous sommes si attachés, à laquelle nous sommes parfois totalement identifiés et donc sur laquelle nous faisons reposer notre existence. Perdre de telles illusions s'apparente alors à de l'annihilation de soi-même. La peur de ne pas pouvoir donner du sens à sa vie, de ne pas avoir une place dans le monde, d'être en quelque sorte inconsistant et de ne pas exister s'apparente à la peur de mourir. C'est terrifiant. C'est pourquoi nous faisons tout pour garder la sécurité que procure l'impression d'exister à travers la place que nous nous attribuons dans ce monde fictif, dans l'illusion parfois totalement hors-sol que nous avons du monde et de nous-même.
L'illusion de connaissance est plus dangereuse que l'ignorance
L'illusion de connaissance est plus dangereuse que l'ignorance, car lorsqu'on sait qu'on est ignorant, on peut apprendre. Alors que quand on croit savoir, on prend de mauvaises décisions aux conséquences plus ou moins délétères dans l'ignorance de son erreur puisqu'on a l'impression de savoir.Ces 23 ans passés dans l'illusion de connaître la vérité ont eu comme effet de me plonger dans une grande paresse intellectuelle. L'illusion de "savoir" me faisait non seulement filtrer les informations que je lisais dans le but de consolider mon "savoir", mais en plus me plongeait dans une relative paresse à être curieux. De quoi serais-je curieux puisque j'ai déjà la connaissance ? J'étais curieux pour confirmer et renforcer ce que je savais déjà et que je prenais pour LA vérité, mais pas pour le reste. Finalement, je n'apprenais rien ou pas grand chose de nouveau. Je développais des connaissances (parfois erronées) pour argumenter sur ce que je croyais savoir sans chercher à développer mes connaissances et ma culture sur des choses que je ne connaissais pas. Je réalise aujourd'hui que j'étais non seulement copieusement inculte, mais en plus avec une certaine arrogance liée à l'impression de tout savoir.
Une faiblesse devenue une force
Je ne vais pas rentrer plus avant dans les détails de cette parenthèse de ma vie au sein d'une secte. Je souligne cependant que de la même façon que personne ne peut parler de la guerre mieux que celui qui l'a vécue sur le terrain, je suis particulièrement bien placé pour parler des manipulations émotionnelles et mentales qui nous font prendre des vessies pour des lanternes.J'ai aujourd'hui fait de cet épisode une force, développant une sensibilité accrue sur le plan émotionnel d’une part, et une acuité d'analyse sur le plan cognitif d’autre part. Cela se traduit par une grande rigueur sur le choix des mots pour décrire les situations, les phénomènes, les émotions ou les sensations. J'attache beaucoup d'importance à la justesse des mots. Je veille particulièrement à ce qu'ils illustrent le plus fidèlement et précisément possible la réalité de ce qui est exprimé.
C'est très utile et pertinent dans la sphère professionnelle. Ce n'est pas toujours facile à vivre pour celle qui partage ma vie au quotidien.
Par exemple, il arrive fréquemment lors de discussions, voire de disputes, que ma compagne me reproche d'être trop "nickel" sur les mots, sur la description des choses, la précision de ce que l'on dit ou comprend. Au-delà du challenge que représente le fait de communiquer dans une langue qui n'est pas la sienne - ma compagne est née au Portugal - cette rigueur qu'elle perçoit comme de la rigidité l'insupporte parfois.
Je me suis donc posé la question. Suis-je dans l'excès ? Trop sensible ? Trop exigeant ? Trop réactif ? Je ne le vis pas du tout comme "trop", mais force est de constater que j'ai ce souci “d'impeccabilité” dans l'expression. Mon histoire de vie a indéniablement influencé cette sensibilité à la justesse des mots et des représentations, soucieux de la coïncidence entre représentations et réalité. La conscience et la souffrance d'avoir été abusé par des mensonges et par une imposture me rendent très vigilant à être transparent, authentique et au plus près du réel. Je ne veux pas faire subir aux autres des comportements dont j'ai moi-même souffert. La peur d'agir comme un imposteur a d'ailleurs rendu l'écriture de ce livre particulièrement difficile, m'imposant de procéder à une étude approfondie des sujets abordés. J'ai donc replongé dans les sciences, aussi bien celles dites dures que les sciences humaines et sociales. J'ai lu des dizaines de livres et écouté des centaines de podcasts et de conférences.
Ceci dit, je ne me sens pas "trop" nickel dans mon interaction avec les autres et avec ma compagne en particulier. Je me sens aligné et positionné, c'est tout. Je ne m'attache pas à la justesse et à la précision de ce que je dis pour être ou paraître impeccable. Je suis sensible et attentif à ce que notre communication, ce que l'on dit et comment on le dit, corresponde le plus fidèlement possible à nos intentions et ce dont nous parlons.
Ce qui me pousse à veiller à utiliser les mots justes, à être précis sur le sens que je leur donne, et à vérifier que mon interlocuteur lui donne le même sens que moi. Car sinon, on ne communique pas vraiment, chacun parle dans son monde, mais on ne se comprend pas puisque chacun donne un sens différent aux mots qu'il utilise. Comme si on parlait de la même chose dans deux langues différentes.
Ce qui donne des dialogues de sourds à l'image de cette histoire que m'a racontée monsieur Kruger, mon professeur de mathématique quand j'étais en classe de 1ère au lycée Chaptal à Paris, à qui je rends hommage car il a participé à me faire aimer les mathématiques ce qui a contribué au développement de mon intelligence.
De l’importance de parler le même langage sous peine d’avoir un dialogue de sourds :
Dans le train, un homme demande à son voisin l'heure qu'il est. Ce dernier sort un thermomètre et lui répond "Il est mardi". Le premier s'exclame alors "Merci, c'est donc à la prochaine que je descends".
De quoi parle-t-on ? Il est important de le préciser car chacun s'exprime par rapport à son monde et comprend ce que l'autre lui dit toujours par rapport à son monde. On peut ainsi avoir l'impression d'être clair et d'accord avec un interlocuteur alors qu'il n'en est rien. Il nous est tous arrivé de penser s'être parfaitement compris et de se rendre compte à posteriori de spectaculaires malentendus, avec parfois des points de vue opposés à 180 degrés.
Il en est de même avec mon souci d'impeccabilité concernant les faits, sur la façon de relater ce qui se passe ou s'est passé, comment, où, quand. Il est important d'être précis et surtout de faire coïncider au mieux la représentation et la description des faits par rapport à ce qui s'est réellement passé. Revenir au réel nous permet de nous rejoindre de façon fiable sur une vision à peu près semblable, car contrairement à nos réalités subjectives, la réalité objective, elle, ne change pas. Elle nous permet donc de trancher lorsque nos réalités subjectives d'un même événement ne coïncident pas.
De plus, on peut se rejoindre sur la façon de nous raconter les choses et être pourtant dans l'erreur. On peut à tort partager les mêmes représentations, être d'accord, être en harmonie de perception, de compréhension, d'interprétation du monde. De cette convergence de vue va découler un certain confort relationnel. Pas de conflit, on se comprend, on est d'accord. Mais ce n'est pas parce qu'on est d'accord que l'on a raison, que les représentations subjectives que nous nous faisons du monde coïncident avec la réalité objective du monde.
J'ai passé plus de 20 ans à me complaire dans une représentation du monde complètement hors sol, déconnectée du réel. Et j'ai intellectuellement et émotionnellement vécu très confortablement pendant toutes ces années. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Je ne veux ni ne peux plus me bercer d'illusion et j'ai besoin d'ancrer mes représentations dans le réel. J’ai besoin de faire coïncider la façon dont je me raconte le monde, la vie, ma vie, avec la réalité du monde, de la vie, de ma vie. Du coup, je suis sensible (je ressens et je réagis) à tout ce qui touche à la façon dont moi-même et les autres dans leur relation avec moi nous représentons les choses.
Je ne peux plus me bercer d'illusions car j'ai personnellement souffert des conséquences de m'être illusionné. Je suis par ailleurs constamment confronté dans mon métier de coach aux dégâts générés par les chocs parfois très violents de la confrontation des illusions avec le réel.
De plus, ayant contacté la magnificence du réel à travers mon expérience de lâcher prise total, je ne veux plus me bercer d'illusions. Je sais qu'une vie ancrée dans le réel est infiniment plus lumineuse et nourrissante qu'une vie confinée dans l'enceinte de nos illusions étriquée par nos protections.
J'ai aujourd'hui besoin de faire coïncider ma réalité avec la réalité.
La réalité ou ma réalité ?
Je fais la distinction entre la réalité et ma réalité parce que nous vivons, nous interagissons avec le monde, les autres, nous-même, selon les représentations que nous nous faisons du monde, des autres, de nous-même.Le monde est tel qu'il est, et chacun se le représente du point de vue duquel il le regarde d'une part, et selon ce qu'il est, la façon dont il s'est construit et il a été conditionné d'autre part. La réalité du réel est telle qu'elle est, et chacun s'en construit sa propre réalité tel qu'il est. C'est la raison pour laquelle je distingue "la réalité" de "ma réalité".
Au moment où j'écris ces quelques lignes, j'entends les oiseaux chanter. Quelle est leur réalité ? Quelles représentations se font-ils du monde ? Se font-ils même une représentation ? A l'évidence oui, puisqu'ils sont dotés de sens qui leur permettent de percevoir leur environnement. Et même de le percevoir avec plus de précisions que nous, les humains, puisqu'ils sont pour la plupart dotés de 5 différents types de cônes alors que nous n'en disposons que de 3. Dans le fonctionnement de l'œil, chaque cône est sensible à certaines longueurs d'ondes lumineuses. En avoir 5 permet donc d'avoir une sensibilité aux variations de couleurs supérieure que si l'on n'en a que 3. Un peu comme un écran TV 16K ne donne pas la même qualité d'image qu'un écran full HD, qui lui même est plus précis qu'un écran HD ou cathodique.
Mais pourquoi est-il si important de faire la distinction entre ma et la réalité ?
Je vais prendre la question à l'envers pour y répondre. Que risque-t-on si on ne fait pas la distinction entre MA réalité et LA réalité ? Et bien nous risquons, à terme, purement et simplement de disparaître en tant qu'espèce vivante, et avant de disparaître, d'endurer de terribles souffrances.
En effet, que se passe-t-il lorsque sa réalité décoïncide de la réalité ? Par exemple, si en marchant on ne voit pas un trou ? Ou que l'on se méprend sur ce qui apparaît comme solide au sol alors qu'en fait, ça ne l'est pas, et qu'en dessous il y a un trou ? Que se passe-t-il si on marche dedans ? Que se passe-t-il si on tombe dans le trou ?
C'est ce qui m'est réellement arrivé, un matin d'automne, au retour d'une longue marche dans un parc proche de chez moi. Je marche dans un quartier résidentiel, sur la route, au bord du trottoir. Je vois des feuilles amassées dans le caniveau. Je marche dedans et ... mon pied droit descend beaucoup plus bas que prévu dans un trou, à tel point que je perds l'équilibre et tombe vers l'avant.
Que se passe-t-il, lorsqu'on tombe dans un trou ?
Le moindre mal, c'est juste de se sentir un peu stupide d'être tombé. Le pire, c'est de mourir (oui, ça arrive de se tuer en faisant une mauvaise chute). Et entre le moindre et le pire, il y a toute une palette de conséquences allant de quelques égratignures à une jambe cassée.
Pour ma part, je m'en suis sorti avec quelques écorchures aux mains et deux belles blessures à la jambe droite dont je garde encore aujourd'hui des marques que l'on appelle cicatrices.
L'ambition de ce livre
Le décalage entre la réalité et ma réalité n'est donc pas sans conséquences et l'ambition de ce livre est d'expliquer de façon claire et accessible ce qui participe à la façon dont nous construisons notre réalité. Le lecteur y trouvera une aide précieuse pour identifier ses propres mécanismes, pour mieux se connaître et se comprendre, et ainsi reprendre autant que faire se peut la télécommande de son existence.Pour illustrer cela, faisons une expérience de pensée !
Expérience de pensée
Faisons une expérience de pensée, c'est-à-dire, mettons nous en situation par la pensée et observons quelles seraient nos réactions dans une telle situation.
Imaginons marcher tranquillement sur un chemin qui nous paraît parfaitement dégagé. Tout à coup, une voix intérieure nous dit "si tu marches tout droit sans t'arrêter et de plus en plus vite, tu vas découvrir un trésor d'une valeur inestimable. Ne dévie pas, ne t'arrête pas, ne renonce pas, n'écoute pas les négatifs ni les pessimistes, aie la foi, fonce. Seuls ceux qui n'abandonnent jamais réussissent dans la vie".
Écoutant cette voix, et très motivé à l'idée de découvrir un trésor, nous nous mettons à marcher, tout droit, de plus en plus vite, exactement comme la voix nous l'a demandé. Chemin faisant, nous apercevons un mur à quelques dizaines de mètres droit devant. Que faire ? Puisque la voix a dit de ne pas s'arrêter et de marcher de plus en plus vite, alors nous continuons, tout en accélérant. Le mur se rapproche, nous avons peur, mais la voix est très claire, “aie la foi, fonce”. Jusqu'au moment où ... nous percutons le mur.
Et là, que faisons-nous ? Ci-dessous une liste non exhaustive de réactions possibles :
- Nous pestons contre le mur qui nous empêche d'avancer et tentons de le détruire.
- Nous pestons contre le mur qui n'a rien à faire là et nous blâmons ceux qui l'ont construit et qui, de toute évidence, complotent contre nous pour nous empêcher d'accéder au trésor promis par la voix.
- Nous pestons contre nous-même qui, une fois de plus, démontrons notre incapacité à réussir, notre médiocrité, notre nullité, notre insignifiance
- Nous prenons quelques pas de recul et nous nous lançons vers le mur encore plus vite, pensant que l'échec est dû au manque de vitesse. La voix n'a-t-elle pas dit qu'il fallait aller de plus en plus vite ?
- Nous cherchons un moyen de franchir le mur, soit par dessus, soit par dessous, car il ne faut pas dévier. Ne pas dévier, c'est la voix qui l'a dit !
- Nous essayons de négocier avec le mur (comme si le mur pouvait négocier ! ... Si cette option vous parle, vous devez absolument lire ce livre jusqu'au bout !)
- etc...
D'où nous vient cette propension à prendre des murs dans la figure, à se lamenter, à se victimiser ou à se battre, contre la terre entière parfois, à cause de murs ?
De notre incapacité à voir, à accueillir et à accepter ce qui est tel que c'est ! Trop attaché à nos illusions, nous refusons, ignorons, rejetons, maquillons l'évidence : l'existence du mur, dressé devant nous, bien réel, obéissant aux lois de la physique, et totalement imperméable à celles des films de sciences fiction interne que nous produisons. Le réel en général, et le mur en particulier, existe tel qu'il est indépendamment des histoires que je peux me raconter sur lui.
En effet, on peut croire qu'en se jetant par la fenêtre on va se mettre à voler comme un oiseau. Et on va le faire ! Sauf que ce ne sera pas comme un oiseau, et surtout pas longtemps. Nous allons "voler" jusqu'à ce que la pesanteur nous fasse rencontrer le sol à une vitesse qui va dépendre de la hauteur de notre chute et de plusieurs autres paramètres comme la température, la pression, le vent, ... et surtout si nous sommes équipé ou pas d'un parachute, deltaplane, ou tout autre artefact qui aurait ralenti notre chute. Cet exemple me fait penser à Elon Musk qui a dit "J'aimerais mourir sur Mars ... mais pas à l'impact".
Nous faisons cette expérience de pensée avec un mur réel dont nous nous méprenons sur l'existence et qui, à son contact, nous affecte. Mais nous pourrions faire la même expérience avec un mur totalement illusoire qui, persuadé que nous sommes qu'il existe, nous empêche d'avancer. Combien de fois avez-vous freiné, résisté, renoncé à un projet à cause de peurs qui vous ont bloqué dans votre élan ? Combien de fois par timidité, peur du rejet, peur de jugement des autres vous êtes-vous abstenu de faire quelque chose ? Combien de murs illusoires se sont dressés sur votre chemin ?
Au cœur de cette expérience de pensée, ce n'est pas le mur qui compte, mais la représentation que nous nous en faisons.
Épilogue
Cette voix illustre la façon dont nous nous représentons les choses, c'est le film intérieur que nous nous faisons de la réalité extérieure. Nous sommes d'ailleurs en lien avec le monde extérieur exclusivement par l'intermédiaire de ce mécanisme de représentation. Les films que nous nous faisons du monde sont en fait notre réalité. Nous n'avons que ça. L'histoire que nous nous racontons de nous-même et du monde, aussi bien à partir de ce que nous percevons à travers nos sens que ce que nous imaginons de façon hors-sol constitue notre réalité dont découlent nos réactions, nos décisions, nos comportements ... ce qui constitue un incroyable atout et une terrible menace.
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