Chapitre 8 : Comment se connecter au réel ? Se connecter au monde
Nous voilà outillé pour, à la lumière de ce que nous vivons, identifier les éléments de réalité de ce que nous sommes et faire coïncider un peu mieux les représentations que nous avons de nous-même avec la réalité de ce qui nous constitue, de ce qui nous a construit, de ce que nous portons, en un mot, de ce que nous sommes réellement. Porter une attention juste à ce que l'on est permet de faire des choix éclairés, plus centrés, ancrés dans et alignés à ce qui est profondément essentiel pour soi.
Mais nous ne sommes pas seuls. Nous partageons un espace commun avec d’autres, ce qui nous met au défi de définir et de partager un socle commun de réalité qui s’ancre dans le réel tel qu’il est. Autrement dit, nous devons veiller à faire coïncider les représentations que nous nous faisons du monde avec la réalité de ce qu'il est.
Alors comment accéder à la réalité du monde ?
Comment accéder à la réalité du monde ?
La toute première chose à faire, c'est de distinguer clairement le réel objectif de notre réalité subjective. Les faits sont les faits. Ce que nous en percevons et ce que nous interprétons de ce que nous percevons correspond plus ou moins à ce qu'ils sont réellement. La carte que nous produisons rend plus ou moins bien compte du territoire que nous décrivons avec celle-ci. De notre interaction avec le monde découle une multitude de mécanismes qui participent à notre façon de nous représenter le monde : observations, perceptions, sensations, impressions, interprétations, appréciations, évaluations, extrapolations, suppositions, sentiments, opinions, jugements, croyances, connaissances, affabulations, ...
Il nous appartient de faire la part des choses et, entre autres, de ne pas prendre pour factuelle une supposition que nous faisons. Par exemple, il vous est probablement arrivé de dire d'un ami en retard à un rendez-vous "Il a sûrement été pris dans les embouteillages". Sûrement ? Vous êtes sûr ? "Probablement" aurait dans la plupart des cas été plus approprié que "sûrement". C'est d'ailleurs le terme que j'ai choisi pour présenter cet exemple.
Chacun de ces processus participe à la construction de nos représentations du réel. A nous de veiller à ce que cette représentation subjective coïncide avec le réel objectif.
Une supposition n'est ni vraie ni fausse en soi. C'est une supposition. Elle peut correspondre à la réalité, ou pas. Elle nous permet de boucher un trou et nous aide à prendre des décisions. Le danger, c'est de prendre notre supposition pour un fait, ce qui donne à notre décision une position plus radicale que si nous faisons la part des choses de façon nuancée.
Nous ne voyons pas le monde tel qu’il est, nous le voyons tel que nous sommes. Nous nous le représentons à partir de nos observations, mais aussi et surtout selon nos interprétations, extrapolations et suppositions. Celles-ci nous permettent de boucher les trous, et ainsi, sinon donner une image fidèle du réel, de s’en faire une image apparemment cohérente, ce qui nous permet de prendre des décisions avec un minimum de stress.
Lorsque nous nous trompons, c'est-à-dire que nous avons bouché un trou avec une information qui ne correspond pas au réel, celui-ci ne manque pas, tôt ou tard, de nous ramener vers lui. Aussi loin que nous allions en persistant dans notre erreur, le réel ne va pas changer pour s’accorder à notre représentation. Et c’est tant mieux !
Corrélation n’est pas causalité
Nous avons besoin de faire des prédictions crédibles afin de prendre des décisions les plus pertinentes possibles. Crédible ? En fait, plus ou moins. Nous avons surtout besoin d’y croire, et c’est parce que nous y croyons qu’elles sont crédibles. Le réel est tel qu’il est, ni crédible, ni incroyable, il est. Et nous nous le représentons à partir de ce que nous sommes et d’où nous sommes. Connaître et comprendre les mécanismes qui participent à la production des films intérieurs constituant notre réalité nous aide à réduire le décalage entre réel et représentation, ce qui, vous l’avez compris, est un peu l’objet de ce livre.
Par exemple, il convient de savoir que corrélation n’est pas causalité. Ce n’est pas parce qu’il y a des grenouilles après la pluie que l’on peut dire qu’il a plu des grenouilles. Ce n’est pas parce qu’il y a des personnes qui meurent à l'hôpital qu’il est dangereux de s’y rendre. Même si cela marche souvent, une corrélation nous donne des indices sur une possible cause, il convient de vérifier. Comment ? En activant le système 2 de la pensée, ce qui nous évite de tomber dans les pièges du système 1, les biais cognitifs (Voir chapitre X page YZ), et d’attribuer à tort des causes à des effets.
Un sol mouillé nous informe en tout premier lieu que … le sol est mouillé. La pluie, un système d’arrosage automatique, un geyser, une bonbonne d’eau tombée d’un camion peuvent en être la cause. Pour le savoir, il convient d’investiguer davantage afin d’éliminer les moins probables et d’identifier les plus probables. Dans quel environnement sommes-nous ? Est-ce mouillé partout ou localement ? De quelle couleur est le ciel ?
Cet exemple trivial s’applique à des situations très diverses et plus subtiles. Nous faisons constamment, de façon conscientes ou inconscientes, des suppositions, extrapolations, interprétations à partir de corrélations que nous faisons entre des causes supposées et des effets constatés. “Homme en retard, liaison dans l’tiroir” disait Josiane Balasco, alias Madame Musquin dans le film “Le père Noël est une ordure”.
Se méfier de nos sens et du bon sens
Ce n'est pas parce que nous l'avons vu que ce que nous décrivons de ce que nous voyons correspond bien au réel. Nous l'avons démontré, nos sens et notre cerveau nous jouent des tours. Porter une attention juste aux choses, et donc nous en faire une représentation fidèle, nous demande de faire l'effort de penser au-delà de ce que nous percevons, voire à l’encontre de ce que nous observons et les déductions auxquelles le “bon sens” nous amène.
Le bon sens de la chute des corps
Selon Aristote, plus un corps est massif, plus il tombe vite. Cette loi a fait autorité pendant des siècles. Elle est pleine de bon sens, intuitive pourrait-on dire, et se trouve conforme à la plupart des observations. Une pierre tombe effectivement plus vite qu’une plume. Et pourtant, elle est fausse.
C’est en 1604 que Galilée a démontré, grâce à une célèbre expérience de pensée, qu’en réalité, tous les corps tombent à la même vitesse dans le vide. Ceci à une époque où l'on ne savait pas faire le vide, d’où le recours à l’expérience de pensée, et où, pour pimenter l’exercice, il était dangereux de faire des découvertes pouvant remettre en question les dogmes religieux. Galilée a d’ailleurs eu maille à partir avec les tribunaux de l’inquisition dès 1610.
On ne voit pas le monde tel qu’il est, on le voit tel qu’on se le représente et on se comporte conformément à ses propres représentations, même si celles-ci ne coïncident absolument pas avec le monde tel qu’il est réellement. Pour ne pas finir sa vie sur un bûcher en flamme, comme ce fut le cas le 17 février 1600 pour Giordano Bruno qui a eu l’outrecuidance de déclarer, entre autres, “qu'il existe une infinité de terres, une infinité de soleils et un éther infini”, Galilée dû se rétracter, entre autres, que la terre tourne autour du soleil et non pas l’inverse. Le réel étant particulièrement tenace et insensible aux histoires que se racontent les êtres humains à son sujet, la connaissance a au fil des siècles gagné du terrain sur l’ignorance et le mysticisme, et l’église catholique reconnu en 1992 les erreurs des théologiens de l’époque dans l’affaire de Galilée.
Il s’avère que même si le modèle de Galilée sur la chute des corps est beaucoup plus fiable que celui d’Aristote, trois siècles plus tard, Albert Einstein a proposé un modèle révolutionnaire encore plus précis du phénomène gravitationnel. Il publie en 1915 sa théorie dite de la relativité générale.
Nos cartes s’affinent et coïncident de plus en plus avec le réel. Avec la relativité générale, c’est un changement radical de carte qui a été fait. Les corps ne s’attirent plus selon les forces d’attraction telles que décrites par les lois de Newton, leurs trajectoires relatives sont affectées par la déformation de la structure de l'espace-temps dans lequel ils évoluent, espace-temps qu’ils déforment par leur simple présence. Je sais, dit comme cela, c’est un peu ardu à comprendre. Prenons un exemple simple pour illustrer la différence entre ces deux cartes qui parlent du même phénomène de deux façons radicalement différentes.
Dans le cadre newtonien, le soleil crée un champ de gravitation autour de lui. Étant dans son voisinage, la terre subit une force qui, compte tenu de son mouvement (sa vitesse et sa direction), lui donne la trajectoire elliptique qu’elle a autour du soleil.
Dans le cadre de la relativité générale, le soleil déforme l’espace-temps autour de lui. La terre a un mouvement inertiel, c'est-à-dire qu’elle se déplace en ligne droite. Mais dans un espace courbé, les lignes droites sont des lignes courbes. Aller tout droit de Paris à Tokyo en passant par la surface de la terre nous fait décrire une trajectoire courbe qui, si nous continuons toujours tout droit, nous fera faire le tour de la terre et revenir à Paris, notre point de départ. Ainsi, la terre dans son mouvement autour du soleil ne subit aucune force, elle va tout droit dans l’espace-temps déformé par la présence du soleil, ce qui la fait tourner autour du soleil. Et c’est la même chose pour la lune qui tourne autour de la terre.
Nous avons là deux modèles théoriques, deux cartes, fondamentalement différents qui décrivent le même phénomène, le même territoire. Autrement dit, nous avons deux représentations subjectives qui décrivent une même réalité objective. La deuxième décrit plus fidèlement, et surtout beaucoup plus précisément, le-dit réel qu’elle représente (voir les exemples du chapitre XX).
Lire les cartes dans le bon sens
Si produire des représentations d’un territoire nous demande parfois de réfléchir à l’encontre de notre bon sens, il convient toutefois de veiller à lire les cartes positionnées dans le bon sens. Cela semble aller de soi, et pourtant.
A l’instar des pseudosciences, certaines connaissances solidement établies sont détournées pour soutenir des croyances ou des idéologies hors-sol. Les cas sont légions et la vigilance est de mise. Attention aux arguments dits scientifiques, mais qui ne correspondent pas aux critères de la démarche scientifique, et qui sont donc indûment qualifiés ainsi. L’argument “scientifiquement prouvé” ne tient que si des études sérieuses ont été menées. Et encore, il ne tient que dans le cadre de ce qui a été étudié. Ce qui marche pour des crevettes ne marche pas forcément pour des crocodiles. Attention également aux arguments réellement scientifiques mais qui sont en réalité un détournement de résultats validement obtenus dans un contexte et indûment utilisés dans un autre. Il ne vous viendrait pas à l’idée d’utiliser un plan des rues de Paris pour vous orienter à Londres ou à Madrid ? C’est pourtant ce que font certaines personnes avec la physique quantique invoquant cette science pour expliquer “comment réussir dans la vie”, “comment multiplier ses résultats par 100”, “l’origine de nos douleurs”, faire des soins, de la méditation, ou que sais-je encore.
La physique quantique, ensemble des théories physiques qui décrivent le comportement des atomes et des particules, est un exemple particulièrement spectaculaire. C’est la science la plus prédictive au monde. On fait une prédiction avec 10 chiffres après la virgule, on fait l’expérience, on mesure et on trouve les 10 chiffres. Aucune autre discipline n’est aussi précise que la physique quantique pour prédire un phénomène. Autrement dit, les cartes de la physique quantique sont spectaculairement précises et fiables … pour décrire le réel à l’échelle de l’atome, et non pas à notre échelle pour, comme certains le prétendent, expliquer nos comportements, notre psychologie, nos malaises, ou encore pour attirer tout ce que l’on désire dans sa vie.
Attention aux charlatans qui nous la mettent à l’envers avec de bonnes cartes que nous n’avons pas le bon sens de vérifier qu’elles sont bien dans le bon sens.
On ne peut pas tout savoir, et pourtant ...
On ne peut pas tout savoir, mais on a besoin de prendre position sur tout. D’ailleurs, que nous le voulions ou non, consciemment ou inconsciemment, nous nous positionnons constamment sur tout.
Notre façon de consommer, de conduire, de voyager, de communiquer, d’interagir avec les autres et notre environnement, sont l’expression de nos positionnements. Nos comportements sont la conséquence visible de nos positionnements. Qu’ils soient réfléchis et volontaires, ou qu’ils soient réactifs ou automatiques et subis, nos positionnements sont l’expression de ce que nous sommes, de ce que nous manifestons de ce que nous sommes. Que ce soit dans l’ignorance totale, dans la dissonance cognitive, ou en parfaite connaissance des causes et des effets, nous nous positionnons.
Dans les pays démocratiques, les citoyens sont régulièrement appelés aux urnes pour se positionner par rapport aux choix d’orientation politique du pays, de leur région, de leur commune. Faut-il ou non développer l’industrie nucléaire ? Les OGM ? Le réseau 5G ? Combien savent de quoi il s’agit, sont correctement informés des tenants et des aboutissants, se font une représentation fidèle du sujet, du contexte, des enjeux ?
La manipulation des informations permet la manipulation des individus. En effet, manipuler l’information agit directement sur les représentations que les individus au contact de cette information vont produire. Plus un individu est perméable aux informations, sans filtre critique de celles-ci, plus il va être influençable. On peut être dans l’illusion de liberté, persuadé de penser par soi-même, alors que nous sommes manipulés par ceux qui nous abreuvent d’informations de toutes parts. Et cette manipulation peut aussi bien être réfléchie, calculée, volontaire (c’est le cas des publicitaires, des propagandistes et autres professionnels du marketing), que involontaire, irréfléchie, automatique. Tout influence tout. Il convient de savoir comment ces influences fonctionnent sur nous et ce qui les gouverne.
Par exemple, parmi les anti-nucléaires, certains avancent l’argument que cette industrie est délétère pour le climat. Or, les centrales électriques nucléaires sont celles qui émettent, et de très loin, le moins de CO2, ce qui place la France dans les pays les moins émetteurs de gaz à effet de serre du monde pour ce qui est de la production d’électricité. L’énergie nucléaire présente des inconvénients, en particuliers en termes de gestion des déchets, mais pas celui d’impacter négativement le climat, au contraire. Et pourtant, le vote de ce militant compte autant que le vote de celui qui est correctement informé, qui sait que l’énergie nucléaire a un faible impact sur le changement climatique en termes d’émission de gaz à effet de serre. Dans cet exemple, le pire n’est pas l’ignorance du militant. Car s’il était ignorant et qu’il devait prendre une décision, il pourrait entreprendre de s’informer. Le pire ici, c’est l’illusion de connaissance, la conviction que son point de vue repose sur une connaissance vraie.
Si nous devons choisir entre faire une activité de plein air ou d’intérieur, nous avons besoin de savoir le temps qu’il va faire. En effet, en cas de pluie, le choix s’orientera vers une activité à l’intérieur. Nous allons donc naturellement chercher l’information qui va nous permettre de prendre une décision pertinente parce que éclairée par la connaissance fiable des paramètres. Que ce soit en regardant par la fenêtre ou en consultant les prévisions météo du jour, nous nous informons avant de décider. Une information erronée risque de nous faire prendre une mauvaise décision.
Jacques est un joueur de tennis passionné. En cette période pluvieuse, il profite d’une après-midi ensoleillée pour se rendre à son club de tennis préféré dans lequel il a réservé un cours afin de jouer un match avec son ami Paul. Arrivé sur place, il trouve les terrains impraticables. Les fortes pluies de la nuit ont imbibé le sol en terre battue qui n’a pas encore eu le temps de sécher. Impossible de jouer. La décision de Jacques s’est faite sur la base d’informations pertinentes, il ne pleuvait pas et le cours était disponible, mais incomplètes, les terrains sont impraticables. Le manque d’informations ou la non prise en compte d’un des détails fin de la carte, ici la praticabilité des terrains de tennis, a fait prendre une mauvaise décision à Jacques.
Si Jacques avait appelé et qu’on lui avait dit, à tort, qu’il était possible de jouer, il aurait alors pris sa décision non pas sur la base d'informations incomplètes, mais fausses. Ce qui au final revient strictement au même en termes de représentation et de décision prise sur la base de la représentation que nous nous faisons. Que celle-ci soit décalée du réel par ignorance, par incomplétude, ou par erreur - la sienne ou celle induite par les autres - c’est le décalage qui nous fait prendre une mauvaise décision. Pas ce qui a contribué au décalage mais bien le décalage lui-même. Celui qui nous a induit en erreur en proférant un mensonge porte la responsabilité du mensonge. Nous portons la responsabilité de lui avoir donné du crédit, nous portons la responsabilité de l’avoir cru.
Cette distinction dans la part de responsabilité de chacun est très importante. Ce sera pour certain une prise de conscience qui leur permettra de reprendre la télécommande de leur existence en réduisant considérablement l’emprise que peuvent avoir imposteurs, affabulateurs, manipulateurs de tout poils.
Développer son esprit critique réduit les risques de se faire berner, de donner du crédit à des sources peu fiables, à des arguments faibles ou fallacieux, à des preuves qui n’en sont pas.
La vertu est double car non seulement nous ne nous faisons pas avoir par des fakes news, mais nous arrêtons également de les propager. Les fake news sont un peu comme des virus. Ils se propagent dans la population de proche en proche, et à une vitesse faramineuse à l’ère des réseaux sociaux. Une étude parue dans Science a montré qu’une fausse nouvelle se propage sur Twitter "significativement plus loin, plus vite, plus profondément et plus largement que la vérité dans toutes les catégories d'information". C’est terrifiant. Il est urgent de s’immuniser contre ce fléau. Les pouvoirs publics y travaillent. Les acteurs économiques disent y travailler mais les mesures qu’ils devraient prendre viendraient probablement à l’encontre de leurs intérêts économiques. En effet, le modèle économique des réseaux sociaux repose sur l’activité entre les membres du réseau. Une fake news génère beaucoup d'activités, et donc des retombées sonnantes et trébuchantes. Il n’est donc pas vraiment dans leur intérêt de réguler un tel phénomène … à moins que le-dit phénomène ne génère davantage de coûts que de bénéfices.
Il convient de souligner que le premier acteur d’un tel phénomène, c’est l’individu. La réalité intersubjective n’existe que parce que des individus en nombre suffisant la font exister. Les croyances qui faisaient construire des pyramides en Egypte antique ont aujourd’hui disparu et l’on enterre plus les chefs d'État dans de tels édifices. Toutefois, elles sont rapidement remplacées par d’autres, et là où l’on célébrait autrefois Râ, Isis et Osiris, on célèbre aujourd’hui Yahvé, Jésus et Allah.
Les croyances collectives ne sont ni bonnes, ni mauvaises en soi. Elles font partie du décor. De la même façon qu’un individu ne peut pas se soustraire au mécanisme de création de représentation, les croyances collectives sont inhérentes à l’espèce humaine, elles participent à la constitution d’un corps social et elles émanent de ce même corps social.
De la même façon qu’un être humain est à la fois construit par des croyances et produit lui-même ses propres représentations, ses propres croyances, une communauté, un groupe social se construit à partir de croyances collectives d’une part, et produit des croyances collectives d’autre part. La production de nouvelles croyances peut provoquer des schismes dont émanent de nouveaux groupes sociaux. On retrouve ce phénomène dans toutes les religions. Par exemple et pour n’en citer que deux, nous avons les catholiques, protestants, orthodoxes chez les chrétiens, et les sunnites, les chiites, les zaïdites et les ibadites pour les musulmans. Et les partis politiques ne sont pas en reste.
C’est un fonctionnement inhérent à l’espèce humaine qui évolue dans l’écosystème que nous appelons la Terre. Elles ont la vertu de fédérer et de contribuer à la construction sociale de nos communautés, pour le meilleur … et pour le pire.
Avoir un esprit critique, savoir faire la part des choses et démêler le vrai du plus ou moins probable et du faux dans la soupe d’informations, d’opinions, de suppositions, d’interprétations, d’affubulations, de délire parfois, dont nous sommes constamment abreuvés, c’est en quelque sorte développer son système immunitaire cognitif.
… alors comment faire ?
Comment faire ? Que faire concrètement pour renforcer son système immunitaire rationnel et ne pas (trop) prendre des vessies pour des lanternes, pour faire en sorte que nos cartes représentant le monde et ses phénomènes coïncident avec le monde tel qu’il est ? Comment faire pour discriminer le vrai du faux ? L’authentique du fake ? La croyance de la connaissance ? L’information de l’opinion ? Le factuel du bullshit ?
La dent d’or de Fontenelle
“Assurons-nous bien du fait avant de nous inquiéter de la cause”. Tel est le message plein de sagesse que Bernard Le Bouyer de Fontenelle nous fait passer dans le récit de La dent d’or, extrait de son livre Histoire des oracles. Il y raconte l’histoire fictive d’une dent en or trouvée parmi les dents qu’un enfant âgé de sept ans avait perdues. Plusieurs savants de l’époque (fin du XVIème siècle) se penchèrent sur le phénomène, chacun donnant des explications agrémentées de son sentiment personnel. Jusqu’au jour où la dent fût examinée par un orfèvre qui constata qu’elle n’était pas en or mais qu’il s’agissait d’une dent tout à fait normale sur laquelle une feuille d’or avait été soigneusement appliquée.
Ainsi, les savants se sont-ils couverts de ridicule à expliquer un phénomène avant de vérifier l’existence du phénomène, à expliquer pourquoi et comment un enfant avait pu produire une dent en or avant de vérifier si cette dent en or existait vraiment et provenait bien en l’état de la bouche de l’enfant.
Il conclut son récit en écrivant : “Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux”. Autrement dit, nous n’avons pas les réflexes qui permettent de contrôler la véracité des affirmations, mais qu’en plus, nous nous accommodons fort bien des mensonges. Voilà qui s’applique encore aujourd’hui de façon criante en ces temps de post-vérité où l’effet d’une information importe plus que sa véracité.
Comment se connecter au réel ?
Commençons par vérifier la réalité des faits, des événements, des phénomènes, avant de nous préoccuper de la cause de ces faits, événements ou phénomènes.
De la dent de Fontenelle à la théière de Russell, contrairement aux apparences, il n’y a qu’un pas que je m’empresse de faire.
La théière de Russell
Bertrand Russell a utilisé une analogie pour illustrer qu’il n’appartient pas au sceptique de croire une affirmation extraordinaire, mais que c’est à celui qui la profère d’apporter des preuves suffisamment solides. Autrement dit, il ne faut pas inverser la charge de la preuve.
Voici ce que Russell a écrit : « De nombreuses personnes orthodoxes parlent comme si c'était le travail des sceptiques de réfuter les dogmes plutôt qu'à ceux qui les soutiennent de les prouver. Ceci est bien évidemment une erreur. Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l'existence de cette théière était décrite dans des livres anciens, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l'école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée, ou de l'Inquisiteur en des temps plus anciens. »
Vous l’avez compris, Russell était particulièrement critique vis-à-vis des religions, mais son histoire s’applique à toutes les affirmations extraordinaires. C’est à celui qui les profère de les étayer de preuves solides, et pas le contraire. Les affirmations extraordinaires demandent des preuves extraordinaires.
De plus, croire en quelque chose et arguer de l’impossibilité de prouver son inexistence pour valider sa croyance est insensé. Tu crois qu’une théière tourne en orbite autour du soleil, et si je ne te prouve pas que tu as tort, alors tu as raison ? C'est exactement le contraire qu’il convient de faire. Si tu ne me prouves pas que tu as raison, j’ai raison de ne pas te croire. Ce qui est affirmé sans preuve peut être rejeté sans preuve.
Il y a encore moins de distance entre la théière et le rasoir qu’entre la dent et la théière. Jugez-en par vous même !
Le rasoir d’Ockham
Guillaume d’Ockham, philosophe anglais du XIVème siècle, a formulé un principe de raisonnement qui aujourd’hui porte son nom, le rasoir d’Ockham. Rasoir fait ici référence au sens philosophique du terme “raser”, à savoir “éliminer des explications improbables d'un phénomène”.
“Pluralitas non est ponenda sine necessitate”. Ce qui en français donne “les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité”. Autrement dit, il convient de ne pas invoquer plus de paramètres que nécessaire pour expliquer un phénomène.
Si une plume tombe moins vite qu’une pierre, privilégier l’explication à partir de ce qui existe déjà (les conditions de lancé des objets, leur forme et caractéristiques physiques, le contexte) par rapport à celle qui invoque des paramètres supplémentaires (un lutin qui retient la plume ou Dieu qui dans son horreur du vide agit sur les objets).
Il existe de nombreuses variantes de ce principe, en voici quelques-unes:
Le principe de simplicité.
Le principe de parcimonie.
Le principe d’économie.
Les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées.
L'explication la plus simple est généralement la bonne.
Ou encore,
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Si ce principe ne nous aide pas à établir des cartes fiables, il nous aide à ne pas en établir avec une surcharge de détails hors-sols qui transforment, voire qui occultent, les détails fins du réel. Avant d’invoquer le karma, l’alignement des planètes, l’intervention d’un ange ou du démon, il convient de vérifier que le phénomène ne peut pas s’expliquer de façon simple.
Notez bien que je ne dis pas que le karma, les anges ou les démons n’existent pas. A l’instar de la théière de Russell, on ne peut pas prouver leur inexistence. Je ne sais pas si cela existe et je n’écarte pas l’hypothèse de leur existence. Je dis simplement qu’avant de les invoquer pour expliquer ce qu’il nous arrive, il convient de prendre en compte les éléments de réalité tangible et le corpus de connaissances fiables que nous avons construit au fil des siècles. Là où l’on attribuait autrefois aux Dieux le pouvoir de faire tomber la pluie ou de provoquer des éclipses, nous nous appuyons aujourd’hui sur nos connaissances scientifiques pour expliquer ces phénomènes.
Le rasoir d’Ockham nous ferait attribuer la cause de la rencontre avec l’amour de sa vie au hasard. Sans le rasoir d’Ockham, nous pourrions, pour donner du sens et expliquer cette rencontre, invoquer la puissance cosmique de l’alignement de planètes, la loi d’attraction spirituelle, ou les effets d’un sort jeté par le marabout grand maître de l’amour que nous avons consulté la veille.
Les rencontres peuvent se produire par hasard. Et oui ! Ça arrive ! En revanche, ce qui n’est pas un hasard (ou beaucoup moins), c’est le sens que nous allons lui donner, c’est le film que nous allons nous faire de l’événement, film qui n’est pas le produit du hasard puisque produit par notre équipe interne de scénariste, graphiste, metteur en scène, narrateur et autres acteurs de notre cinéma intérieur. Je vous recommande d’ailleur l’excellent livre de Lionel Naccache, neurologue et spécialiste des neurosciences cognitives, “Le cinéma intérieur, projection privée au coeur de la conscience”.
Si les rencontres peuvent se faire par hasard, les effets que celles-ci ont sur nous, c’est à dire la façon dont nous sommes impacté et les comportements que cela provoque, eux, ne sont pas le fruit du hasard. Ils nous parlent de nous-même, et pour savoir ce que cela nous dit, je vous invite à relire et à mettre en pratique le chapitre 6.
Ainsi, le rasoir d’Ockham nous invite-t-il à privilégier de deux explications d’un phénomène celle qui fait appel au nombre minimum d’hypothèses, et à n’invoquer des principes hors d’un corpus de connaissances solidement établi que si toute autre explication fait défaut. Il est inutile d'avoir recours à une explication compliquée faisant appel à des hypothèses invérifiables, quand existe une explication plus simple et vérifiable.
Et parfois, il n’y a pas d’explication ! Il vaut mieux reconnaître et accepter son ignorance que de boucher les trous avec du n’importe quoi auquel nous avons grande facilité de croire et de nous convaincre.
Mettons de côté les ustensiles de cuisine et de salle de bains, et penchons-nous sur ce qui est au coeur de la discrimination des informations que nous allons utiliser pour construire les réprésentations que nous nous faisons du monde, l’esprit critique.
L’esprit critique
Accéder à la réalité du monde, c’est produire des cartes mentales du monde qui correspondent au monde tel qu’il est. L’esprit critique, c’est ce qui nous permet de filtrer les informations, tant celles que nous recevons de l’extérieur que celles que nous produisons intérieurement. L’esprit critique, c’est en quelque sorte ce qui permet d’augmenter la quantité et la fiabilité des briques constitutives de son édifice cognitif de représentation. Pour reprendre l’image du cinéma intérieur, c’est ce qui affine la qualité et la pertinence des images constitutives du film que l’on se fait sur le monde et ses phénomènes.
L’esprit critique est donc un élément crucial et il y a beaucoup à dire sur le sujet. Je vais essayer d’être synthétique, et surtout pragmatique afin que vous puissiez appliquer facilement les 20% de ce qu’il faut savoir pour obtenir 80% d’efficacité dans la mise en pratique des clés proposées ici.
Sous la direction d’Elena Pasquinelli et de Gérald Bronner, un groupe de travail du Conseil scientifique de l’éducation nationale s’est penché sur la question de l’éducation à l’esprit critique. En effet, face aux défis majeurs de santé publique, de développement durable et d’information de masse, il est nécessaire d’être capable de distinguer les connaissances et les opinions, mais aussi de différencier les informations qui méritent notre confiance de celles qui ne présentent pas de garanties suffisantes de fiabilité. [...] Ainsi, pour répondre aux défis sociétaux et aux besoins de l’individu face à la connaissance, notre système éducatif doit être en mesure de développer les capacités de l’esprit critique des élèves de façon appropriée et d’identifier, scientifiquement, les meilleurs moyens d’atteindre ce développement .
C’est, entre autres, sur la base des résultats de leurs travaux que j’ai rédigé ce qui suit.
Esprit critique : de quoi s’agit-il et que faire?
Voici la définition proposée par le groupe de travail mentionné plus tôt :
Ce qui se traduit concrètement par un certain nombre de réflexes visant à évaluer qualité des preuves et fiabilité des sources. Dans la pratique, cela amène à se poser les questions suivantes :
Un examen rapide et rigoureux (même si la rigueur requiert parfois de prendre le temps, et donc n’est pas rapide) nous prémunit de douloureuses déceptions, de contrariantes déconvenues, voire de prendre de mauvaises décisions aux conséquences catastrophiques.
Ni tout blanc, ni tout noir
Henri Poincaré disait : “Douter de tout, ou tout croire, sont deux solutions également commodes, qui l’une comme l’autre nous dispensent de réfléchir”. L’esprit critique est ici précieux car il nous permet de pondérer nos croyances, il nous aide à savoir quand nous pouvons faire confiance et croire, et quand il convient de douter. En effet, l’esprit critique, dont nous sommes naturellement doté dès le plus jeune age, nous permet de nuancer nos croyances, nos représentations, ce qui nous prémunit du tout blanc ou tout noir, du doute radical et de la totale crédulité.
Dans son livre “Votre cerveau vous joue des tours”, Albert Moukheiber suggère d’attribuer un pourcentage de fiabilité à la connaissance que nous avons d’un sujet donné. En adoptant un mode de pensée graduel (j’en sais beaucoup / j’en sais peu), il nous est plus facile de savoir quand douter et quand se faire confiance qu’avec un mode de pensée binaire (je sais/je ne sais pas).
Ainsi, plutôt que de dire que l’on croit ou pas à quelque chose, nous pourrions évaluer le degré de confiance que nous portons à une opinion. Je crois à 99,99% que la Terre est ronde et à 0,01% que les rituels du marabout grand maître de l’amour ont un effet direct sur la rencontre de l’être aimé.
S’attacher aux raisons de croire plutôt qu’aux croyances
Pour ce qui est de la rotondité de la Terre, je pourrais également le formuler ainsi : je crois à 100% que la Terre est ronde, jusqu’à preuve du contraire. Attention, jusqu’à preuve du contraire ne signifie pas que je laisse la place au moindre doute car la rotondité de la Terre est pour moi une certitude. Cela signifie que je reste ouvert à la présentation de preuves qui pourraient remettre en question cette croyance élevée au rang de connaissance, puisque ce modèle de représentation coïncide parfaitement avec l’objet qui est représenté. En effet, celle-ci repose sur un faisceau de preuves très solides. Du calcul de sa circonférence par Ératosthène au 3ème siècle avant JC aux photos satellites de la Nasa, les expériences attestant de la rotondité de la Terre sont nombreuses et fiables. Il faudra donc présenter des éléments extrêmement convaincants, c'est-à-dire factuels, vérifiables, reproductibles et résistant à toutes les tentatives de réfutation, pour invalider le modèle existant et que je remette en cause cette croyance.
Ceci dit, le réel étant ce qu’il est, il est fort probable qu’on ne trouve jamais de preuve de sa non rotondité … puisqu’elle est ronde. Et pourtant, les platistes (adeptes de la croyance en la terre plate) se comptent par millions. On ne voit pas le monde tel qu’il est, on le voit tel que nous sommes. L’être humain est ainsi fait qu’il peut croire à l’incroyable, car dans son mode de fonctionnement, ce n’est pas la vérité qui compte, ce n’est pas le réel qui prédomine, c’est la cohérence de ses constructions internes et la solidité de ses représentations subjectives en terme de sécurité identitaire.
En effet, l’attachement que nous avons à une croyance ne repose pas uniquement sur les faits et la solidité des arguments qui la soutiennent, les dimensions affective, émotionnelle et sociale sont également très importantes. Si mes croyances me sécurisent, si elles donnent du sens à ma vie, me rassurent sur mon utilité, ma valeur, ma place, alors je vais y être très attaché et je vais les défendre si elles sont attaquées. On peut ainsi, et ce fut mon cas pendant des années, défendre avec beaucoup de conviction des thèses hors-sols non pas parce que nos arguments sont solides, mais parce que nous nous identifions à nos croyances.
Le réel existe, objectivement. Les phénomènes sont ce qu’ils sont, objectivement. La façon subjective que nous avons de les décrire et de les expliquer dépend du sujet, de l’individu. Les descriptions et explications du réel peuvent varier d’un individu à l’autre, elles ne changeront pas le réel. En revanche, elles changeront la façon dont les individus vont se comporter. Dans certains cas, ils s’enferment dans des bulles cognitives hors-sols, ils se radicalisent, ce qui provoque des comportements aux effets parfois dramatiques.
L’esprit critique permet de s’appuyer sur des connaissances solidement établies que l’on ne remet pas en cause chaque matin, tout en ayant l’ouverture d’esprit et la flexibilité mentale de les remettre en question.
Un ingrédient indispensable à cette flexibilité, c’est de veiller à s’attacher aux raisons de croire plutôt qu’aux croyances elles-mêmes. Car il nous sera beaucoup plus facile de remettre en question les éléments qui nous amènent à avoir notre opinion que de remettre en question l’opinion elle-même, d’autant plus que nous nous identifions à celle-ci. Faire confiance aux raisons qui nous font croire plutôt qu’en la croyance elle-même est un garde fou à la radicalisation.
Une aventure individuelle et collective
Si vous souffrez d’une maladie grave qui nécessite une intervention chirurgicale lourde, vous n’allez pas prendre la décision de vous faire opérer à la légère. Vous allez demander l’avis d’un spécialiste, voire de plusieurs, recouper les informations pour pouvoir prendre une décision éclairée par, non pas vos propres connaissances sur un sujet que vous n’avez matériellement pas eu le temps d’étudier, mais par l’avis de ceux qui y ont travaillé pendant des années.
Que ce soit pour l’installation électrique de notre habitation, l’entretien de notre véhicule, la réparation de nos appareils électroménagers ou notre santé, à moins de consacrer nous-même beaucoup d’énergie et de temps pour acquérir les connaissances sur le sujet, il nous faut faire confiance à ceux qui savent. “Il vaut mieux un qui sait que dix qui cherchent” dit le proverbe. C’est tout à fait vrai d’un point de vue efficacité. Il faut juste ne pas se tromper sur le choix de la personne à qui l’on va accorder sa confiance. C’est là qu’un esprit critique affuté nous est bien utile, qu’il convient de se poser quelques questions de vérification, comme par exemple les deux dernières de la liste précédemment présentée :
Est-ce qu’on peut raisonnablement exclure que la source a un conflit d’intérêt par rapport au contenu, ou qu’elle agit avec la volonté de nous tromper ?
S’agit-il d’une source compétente en la matière ?
Cela nous prendra toujours moins de temps de vérifier la fiabilité des sources d’informations que de les reconstituer de toutes pièces.
Et pour ce qui est de la santé, dans certains cas, c’est une question de vie ou de mort. Ce fût mon cas le jour où je me suis retrouvé à l'hôpital avec une péritonite, je m’en suis remis aux spécialistes, les médecins urgentistes, radiologues et spécialistes en chirurgie, qui sont intervenus pour me soigner. Un vrai travail d’équipe. Si, persuadé que le créateur tout puissant nous a créé parfait avec un pouvoir divin d’autoguérison et qu’il veillera soit à mon bon rétablissement soit à m’accueillir auprès de lui dans les cieux, j’avais refusé que l’on m’opère, je ne serais pas là en train de vous écrire. Ce jour-là, pour être honnête, je n’ai pas pris le temps de demander l’avis de plusieurs spécialistes. Vu mon état, j’étais déjà très content d’être dans le meilleur endroit possible pour que des personnes compétentes prennent soin de moi, un hôpital.
La connaissance est une aventure individuelle et collective. Individuelle car il appartient à chacun de veiller à se construire des cartes qui coïncident avec le réel. Et collective car nous disposons d’une masse considérable de cartes rigoureusement établies et fiables, les connaissances scientifiques. Nous jouissons d’un héritage précieux, fruit du travail acharné d’hommes et de femmes au fil des siècles, le corpus de connaissances élaboré avec rigueur grâce à la méthode scientifique, à savoir la science. C’est le nec plus ultra en terme de modèle descriptif du monde car c’est la finalité même de la démarche scientifique que de produire des modèles théoriques (des représentations) du réel qui coïncident avec le réel tel qu’il est.
En ces temps perturbés par des crises chroniques (sanitaires, économiques, sociales ou environnementales), il est important de ne pas rajouter de la confusion à l’incertitude. Il convient de faire la part des choses entre ce qui est connu ou pas afin de prendre des mesures adéquates par rapport à une situation donnée. Disposer des meilleures cartes possibles en discriminant le connu, l'hypothétique, l’opinion et le bullshit est essentiel pour prendre des décisions optimales. La science est un réservoir précieux de cartes fiables.
Il convient de distinguer la science et la recherche scientifique. La science est le corpus de connaissances établi par la démarche scientifique. On sait ce que l’on sait et comment on le sait. La recherche scientifique s’attache à répondre à des questions que l’on se pose sur des phénomènes que l’on n’est pas encore en mesure de décrire et d’expliquer. Autrement dit, la recherche travaille à la production de cartes fiables pour enrichir la connaissance scientifique.
Il est regrettable de constater une augmentation de la méfiance vis-à-vis de la science. En effet, une étude Ipsos faite durant la crise Covid-19 montre une généralisation de la méfiance à l’égard de la parole scientifique. Les raisons de cette perte de confiance sont multiples et je ne vais pas ici rentrer dans le détail de celles-ci. En revanche, on peut souligner qu’un des antidotes à la confusion grandissante est sans conteste le développement de l’esprit critique individuel. Il appartient à chacun de reprendre la télécommande de ce qui va être projeté dans son cinéma intérieur en sélectionnant et en vérifiant les informations qu’il va utiliser à la production des films.
Vous êtes arrivé jusque-là, bravo !
Comment avez-vous vécu la lecture de ce livre ?
Qu'est ce que cela a provoqué en vous ? Dans votre façon de voir les choses ? Dans votre façon de réagir aux événements et d'interagir avec les autres ? Je suis curieux et intéressé par votre retour d'expérience que je vous invite à partager dans le groupe et/ou blog dédié à ce livre, ou en m'envoyant un message directement via les pages contacts des mes sites web ou profils de réseaux sociaux.
Une rapide synthèse s’impose avant de conclure. Je vous propose de la faire très simplement et facilement. Comment ? En prenant quelques minutes pour reprendre le livre depuis le début en ne lisant que les encadrés qui mettent en exergue les notions clés présentées au fil de l’ouvrage. C’est un exercice que vous pourrez faire de temps en temps pour vous remémorer très rapidement ce que vous avez consacré des heures à découvrir en première lecture.
Dans quel but me direz-vous ? Pour consolider les connaissances de bases qui vous permettent de produire des représentations de qualité, des cartes précises et fiables, des films qui correspondent à la réalité de ce que vous êtes en train de vivre.
Vous avez pu lire dans l’introduction que “l'ambition de ce livre est d'expliquer de façon claire et accessible ce qui participe à la façon dont nous construisons notre réalité. Le lecteur y trouvera une aide précieuse pour identifier ses propres mécanismes, pour mieux se connaître et se comprendre, et ainsi reprendre autant que faire se peut la télécommande de son existence”. A ce stade, pour que vous puissiez réellement reprendre la télécommande de votre vie, vous devez vous investir au-delà d’une simple lecture passive. Vous devez vous mettre en mouvement, poser des actions, agir au quotidien. Comment ? Que faire concrètement ?
Rendez-vous sur le blog du livre. Vous y trouverez une multitude d’exercices à la fois très efficaces et très simples à faire : tenir un journal, décrypter les signaux du tableau de bord de sa vie, se poser les bonnes questions au bon moment, mettre en place des routines, utiliser des outils technologiques (et arrêter de se faire utiliser par eux) … Il vous appartient maintenant d’opérer les changements à travers les actions très simples que vous trouverez dans le blog.
Très simple … mais pas toujours facile à faire. C’est la raison pour laquelle ce blog sera aussi un espace d’entraide et de partage. De la même façon qu’il est plus facile de maintenir la discipline de faire du sport en le pratiquant avec des amis, en vous investissant dans la pratique des exercices suggérés avec d’autres personnes, vous augmentez vos chances de tenir vos engagements, et donc d’obtenir des résultats.
Ce blog existe parce que c'est important pour moi que ce livre ne reste pas au stade de l'exercice intellectuel mais que cela se traduise aussi et surtout en comportements, en changements réels dans la vie des lecteurs. Je n’ai pas écrit ce livre seulement pour qu’ils comprennent combien il est important de ne pas prendre des vessies pour des lanternes, je l’ai écrit aussi pour que cela les aide à vivre leur vie différemment d’une part, et que cela contribue à mieux vivre ensemble d’autre part. Alors à bientôt sur le blog !
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